Par Pierre Chastenay, astronome
Planétarium de Montréal
Le ciel de l’Antarctique est bien différent de celui que nous voyons au-dessus de nos têtes dans l’hémisphère nord. La Grande Ourse et l’étoile Polaire ne sont pas visibles de là-bas. Par contre, certaines constellations visibles depuis ce lointain continent nous sont inconnues : ce sont la Croix du Sud, le Toucan, la Mouche, etc.
Malheureusement pour eux, les habitants de l’hémisphère sud n’ont pas la chance d’avoir une étoile qui, comme notre étoile Polaire, marque la position du pôle céleste. C’est par pur hasard que l’étoile Polaire (alpha de la Petite Ourse, de son vrai nom) est située dans le prolongement de l’axe de rotation de la Terre. Aucune étoile n’occupe cette position particulière dans l’hémisphère sud.
Pourquoi les constellations de l’hémisphère sud sont-elles si différentes des nôtres ? Parce que la Terre est ronde, et que l’Antarctique se trouve presque de l’autre côté de la Terre par rapport à nous. Si la Terre était parfaitement transparente, comme une bille de verre, tu verrais les constellations de l’hémisphère sud en regardant entre tes pieds. Mais puisque notre planète est plutôt opaque, tu ne peux les voir, et il te faudrait suivre Bernard jusqu’en Antarctique pour les admirer.
Mais Bernard ne verra qu’une seule étoile au cours de son expédition en Antarctique : le Soleil ! Eh oui, le Soleil est une étoile, et en novembre, c’est même la seule qui brille au-dessus de l’Antarctique. As-tu déjà entendu parler du Soleil de minuit ? Dans l’hémisphère nord, au-delà du cercle polaire arctique, le Soleil brille continuellement dans le ciel pendant six mois, de l’équinoxe de mars jusqu’à l’équinoxe de septembre. Au cours de cette période, le Soleil ne se couche jamais ! Le reste de l’année, le Soleil demeure sous l’horizon, et il fait nuit pendant six mois. Rien d’étonnant à ce que les gens qui vivent dans ces régions très nordiques trouvent l’hiver si long !
Il se produit exactement le même phénomène en Antarctique, à la seule différence que les saisons dans l’hémisphère sud sont inversées par rapport aux nôtres. Lorsque l’été commence ici, c’est l’hiver là-bas, et vice-versa. Bernard mènera donc son expédition au beau milieu de l’été austral, à une période où le Soleil ne se couche jamais en Antarctique. Il fera donc jour 24 heures sur 24 ! Et à bien y penser, c’est beaucoup mieux ainsi : si Bernard avait tenté l’ascension au cœur de l’hiver austral (en juillet) il aurait dû transporter un gros sac de piles pour sa lampe de poche !
Si Bernard avait tout de même décidé de tenter l’aventure au cœur de l’hiver austral, quel genre de ciel aurait-il pu contempler ? Voici une carte du ciel tel qu’il est visible en Antarctique en juillet, au plus profond de la nuit polaire. Elle te montre le ciel tel que tu le verrais si tu étais couché sur le dos exactement au pôle Sud et que tu regardais vers le zénith (le point le plus élevé au-dessus de l’horizon). Reconnais-tu quelques constellations parmi toutes celles qui sont visibles ? Vers la gauche, le Scorpion (Scorpius) semble se tenir tout droit sur sa queue. À droite, on voit la moitié inférieure de la constellation Orion. Et un peu au-dessus du centre de l’image, la petite Croix du Sud (Crux) penche légèrement vers la gauche.
Le ciel est traversé d’un horizon à l’autre par une bande grise aux contours irréguliers : cette région délimite les frontières de la Voie lactée, notre galaxie que nous voyons de l’extérieur. De l’avis de tous, les sections les plus brillantes et les plus colorées de la Voie lactées ne sont visibles que de l’hémisphère sud. Le centre de la Voie lactée est situé dans la direction de la constellation du Sagittaire (Sagittarius).
Les deux petites taches grises situées près du centre de l’image sont les Nuages de Magellan (le Petit et le Grand, respectivement), deux galaxies naines en orbite autour de notre Voie lactée. Le Grand Nuage de Magellan est situé à 163 000 années-lumière de la Terre; le Petit Nuage est un peu plus loin, à près de 200 000 a.-l. Elles doivent leur nom à un «ancêtre» de Bernard, le célèbre navigateur Ferdinand Magellan, qui entreprit le premier tour du monde en 1520.